ANDRÉ LICHNÉROWICZ

Bourbon-l'Archambault 1915 - Paris 1998

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Brève biographie


André Lichnérowicz est né le 21 janvier 1915 à Bourbon-l'Archambault en Auvergne. Enfant unique, il grandit dans une famille où le père, professeur de lettres et la mère, professeur de mathématiques ,considéraient que " la culture générale était vraiment générale et ne comportait pas seulement les Anciens mais aussi le Présent, la physique et les mathématiques également ". C'est à table qu'il discutait mathématiques avec ses parents1 . Il suit ainsi à Paris, au lycée Louis-le -Grand, des études secondaires tout à la fois classiques et scientifiques. Elève à l'Ecole normale supérieure, il poursuit ses études scientifiques à la Sorbonne, la faculté des sciences de Paris, a notamment comme professeur Elie Cartan qui enseigne la géométrie différentielle et soutient en 1939, sous la direction de George Darmois une thèse de mathématique portant sur la relativité générale du point de vue de la géométrie différentielle globale.
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Attaché puis chargé de recherches au CNRS de 1937 à 1941, André Lichnérowicz est nommé en 1941 maître de conférences en mécanique rationnelle à l'université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, puis professeur. Il est arrêté lors de la rafle de novembre 1943 dont l'objectif est d'anéantir l'université de Strasbourg et en réchappe de justesse. En 1949 il est nommé professeur à la faculté des sciences de Paris où il crée le certificat de méthodes mathématiques de la physique puis, en 1952, au Collège de France à la chaire de physique mathématique où il enseigne jusqu'en 1986.
L'œuvre scientifique d'André Lichnérowicz a été majeure en géométrie différentielle, relativité générale, géométrie symplectique. Citons, l'étude des problèmes globaux relatifs au système des équations d'Einstein, application du problème de Cauchy aux équations de la relativité générale, étude des instruments mathématiques que sont les " programmateurs " et les " commutateurs ", démonstration d'une solution au problème de la quantification des champs de gravitation.
Elu membre de l'Académie des sciences en 1963, André Lichnérowicz est également membre de plusieurs autres académies. Il est élu à la présidence de l'Institut mondial des sciences en 1991.
Docteur " Honoris causa " de multiples universités, André Lichnérowicz a été lauréat de très nombreux prix. Il fut président de la Société mathématique de France en 1959 et président du Comité national français d'histoire et de philosophie des sciences de 1985 à 1993.
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Dès les années 1950, André Lichnérowicz intervient au niveau politique sur les questions de l'enseignement et de la recherche. En 1954 il est conseiller scientifique du président du Conseil Pierre Mendès-France et est en 1956 un des pères fondateurs du colloque de Caen qui mit en place une politique et une stratégie de la recherche scientifique française. Il est, jusqu'aux années 1960, consulté pour les principales orientations gouvernementales en matière de recherche et de technologie.
Dans le même temps, il intervient sur le terrain plus particulier de l'enseignement des mathématiques et de sa rénovation nécessaire à l'université comme dans le secondaire tant au plan national qu'international. De 1962 à 1966 il est président de la Commission internationale de l'enseignement mathématique (CIEM). Il présida de 1966 à 1973 la Commission ministérielle sur l'enseignement des mathématiques, connue sous le nom de " Commission Lichnérowicz ", chargée de la rénovation de l'enseignement mathématique pour les degrés primaires et secondaires.





La rénovation de l'enseignement des mathématiques " de la maternelle à l'université "


A l'université, tout
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d'abord, André Lichnérowicz fut un professeur qui marqua beaucoup ses élèves par la clarté de son exposé, sa virtuosité calculatoire, le parfait agencement des démonstrations difficiles (Marle, Gazette). Dans l'hommage qu'elle lui rendit, l'Académie des sciences souligna " son enseignement, toujours d'une remarquable clarté, [qui] restera comme un modèle d'élégance et de distinction ". Il fut un militant inlassable pour moderniser l'enseignement universitaire des mathématiques qui en France, encore après la seconde guerre, n'avait pas intégré beaucoup des développements modernes du début du siècle et de l'entre-deux-guerres notamment en algèbre.
Dans ses nombreux cours et par le livre qui les résume " Algèbres et analyse linéaires " Lichnérowicz milita en effet pour diffuser en France l'écriture moderne des espaces vectoriels et le calcul tensoriel, la notion de variété et celle de forme différentielle extérieure, l'espace de Hilbert, les séries et la transformation de Fourier, les équations intégrales. C'était une partie de son enseignement à Strasbourg et son livre eut une influence considérable.
André Lichnérowicz s'intéressa aussi à la rénovation de l'enseignement secondaire. Il fit partie des toutes premières rencontres de la Commission internationale pour l'étude et l'amélioration de l'enseignement des mathématiques (CIEAEM) au début des années 1950. Il fut un des mathématiciens, avec Choquet et Dieudonné, qui participèrent aux journées de Melun de la CIEAEM en 1952 aux côtés du philosophe Gonseth et du psychologue Piaget. Ce furent les premières de toute une série de rencontres, dont le thème " Structures mentales, structures mathématiques " illustre bien les orientations de ce mouvement de rénovation et de modernisation de l'enseignement mathématique. En France, dans les années 1955-1965, André Lichnérowicz participa à la réflexion et au travail de formation des professeurs aux " mathématiques modernes " relayés par l'Association des professeurs de mathématiques, l'APMEP, un des principaux acteurs de la rénovation de cet enseignement en France et publia dans son Bulletin en 1956 un article intitulé "Applications linéaires et matrices ".
De 1962 à 1966 Lichnérowicz fut président de la Commission internationale de l'enseignement mathématique. Il développa fortement durant sa présidence les liens entre la CIEM et l'UNESCO invitée à se faire représenter à tous les colloques scientifiques organisés par la CIEM. Le rapport de la CIEM sur la période 1963-19662 indique également que " Le président de la CIEM - c'est à dire Lichnérowicz - et un certain nombre de ses membres ont donné à l'UNESCO de multiples consultations officieuses sur l'orientation de ses projets et sur les instructions à donner à ses experts " Des membres de la CIEM ont été envoyés par l'UNESCO en missions d'une durée d'un à trois mois dans différents pays ". Des conférences furent organisées, des rapports furent rédigés et publiés en commun. Parmi ceux-ci, la collection des " Tendances sur l'enseignement mathématique " qui parut en français, anglais, espagnol et " diffuse à travers le monde les expériences et des choses de ce genre "2 .
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C'est en 1966 qu'il est nommé président d'une commission ministérielle sur l'enseignement des mathématiques. A la tête de cette commission dite " Commission Lichnérowicz ", il joue alors un rôle déterminant dans la conception et la mise en place de la réforme dite des " mathématiques modernes " dans l'enseignement primaire et secondaire français. Dans un " Rapport préliminaire " paru dans le Bulletin de l'APMEP, la commission précisa ses objectifs et sa méthode. Partant du constat que " La mathématique joue un rôle privilégié pour l'intelligence de ce que nous nommons le réel, réel physique comme réel social ", le rapport poursuit " le problème des mathématiques et de leur enseignement est devenu le premier, peut-être, des problèmes mondiaux de l'éducation ". " Il nous faut désormais préparer nos enfants et nos étudiants à comprendre et à utiliser ce que sont devenues les mathématiques de notre temps ", c'est à dire des mathématiques " devenues radicalement différentes depuis un demi siècle à la suite " d'une véritable mutation intellectuelle qui s'est produite à un rythme dépassant de fort loin le renouvellement des générations humaines ". La commission eut la charge d'élaborer les nouveaux programmes des différentes classes du primaire au baccalauréat, de réfléchir aux méthodes et de concevoir les instituts indispensables à la formation des maîtres, les IREM. Ces programmes provoquèrent dès le début des années 1970 des tensions au sein de la communauté scientifique et de la société civile et Lichnérowicz démissionna en 1973 de la présidence de la Commission qui ne poursuivit pas ses travaux.



Bibliographie partielle


Principaux ouvrages mathématiques


A. LICHNÉROWICZ 1939, Problèmes globaux en Mécanique relativiste, Paris, Hermann
A. LICHNÉROWICZ 1947, Algèbre et Analyse linéaires, Paris, Masson
A. LICHNÉROWICZ 1950, Elements de calcul tensoriel, Armand Colin
A. LICHNÉROWICZ 1954, Les théories relativistes de la gravitation et de l'électromagnétisme, Paris, Masson
A. LICHNÉROWICZ 1955, Théorie globale des connexions et des groupes d'holonomie, Rome, Cremonese
A. LICHNÉROWICZ 1958, Géométrie des groupes de transformations, Paris, Dunod
A. LICHNÉROWICZ 1961, Propagateurs et commutateurs en Relativité générale, Paris, P.U.F.
A. LICHNÉROWICZ 1962, Les spineurs en relativité générale, Bologne
A. LICHNÉROWICZ 1967, Relativistic hydrodynamics and magnetohydrodynamics, Benjamin
A. LICHNÉROWICZ 1970, Ondes et radiations électromagnétiques et gravitationnelles en relativité générale, CNRS

Bibliographie spécifique sur l'enseignement des mathématiques


A. LICHNÉROWICZ 1966, Rapport sur la période 1963-1966, l'Enseignement mathématique, 12, 132-138
A. LICHNÉROWICZ 1967, Rapport préliminaire de la commission ministérielle, Bulletin de l'APMEP, 258, 245-282
A. LICHNÉROWICZ 1970, Les mathématiques et leur enseignement, Bulletin de l'APMEP, 275-276, 405-412
A. LICHNÉROWICZ 1971, Eduquer c'est conquérir constamment, Entretien avec A. Lichnérowicz, L'école et la nation
A. LICHNÉROWICZ 1972, Communication à l'Académie des sciences, Bulletin de l'APMEP, 283, 370-374
A. LICHNÉROWICZ 1972, Analyse critique du rapport de J. Leray, Bulletin de l'APMEP, 286, 1016-1018
A. LICHNÉROWICZ 1972, Table ronde de Caen (11 mai 1972) sur la finalité des mathématiques, Bulletin de l'APMEP, 286, 1043-1050
OECD 1972, Mathématique et Transdisciplinarité, in L'Interdisciplinarité. Problèmes d'enseignement et de recherche dans les universités

Interview en ligne


Entretien avec le professeur André Lichnérowicz, Jacques Nimier: http://pagesperso-orange.fr/jacques.nimier/entretien_Lichnérowicz.htm
Entretien avec J.F. Picard et A. Prost (14 mai 1986): http://picardp1.ivry.cnrs.fr/Lichne.htm

Articles nécrologiques


P.L. HENNEQUIN 1999, " André Lichnérowicz ", Bulletin de l'APMEP, 421, 133-136
A. REVUZ 1999, " Lichnérowicz et la réforme des mathématiques ", Gazette des mathématiciens, 82, 90-92
M. BERGER, " Lichnérowicz et la géométrie différentielle ", Gazette des mathématiciens, 82, 93-98
Y. CHOQUET-BRUHAT 1999, " Lichnérowicz et la relativité générale ", Gazette des mathématiciens, 82, 99-101
C.M. MARLE 1999, " l'Œuvre d'André Lichnérowicz en géométrie symplectique ", Gazette des mathématiciens, 82, 102-108




Author
Hélène Gispert
Groupe d'histoire et de diffusion des sciences d'Orsay (GHDSO)
Université Paris-Sud 11
France
helene.gispert@u-psud.fr




1Voir http://pagesperso-orange.fr/jacques.nimier/entretien_Lichnérowicz.htm
2A. Lichnérowicz, Rapport sur la période 1963-1966, l'Enseignement mathématique 12 (1966), 132-138
3Voir http://pagesperso-orange.fr/jacques.nimier/entretien_Lichnérowicz.htm