JULIEN DESFORGE
Calvi 1891 - Bourg-la-Reine 1984
Brève biographie
Julien Desforge est né à Calvi en Corse le 30 novembre 1891. Fils d'officier, il suit ses études secondaires au lycée de Briançon puis au lycée de Toulon dans le sud est de la France. Ses études sont brillantes tant dans le domaine littéraire que scientifique. Grâce à ses capacités scolaires, Julien Desforge hésite quant au choix de la filière qui lui permettrait d'intégrer l'Ecole normale supérieure. En 1908, il opte finalement pour entrer au lycée Saint Louis à Paris dans lequel il suit les cours de mathématiques spéciales d'Arthur Tresse. Il gardera par la suite un contact permanent avec son ancien professeur de mathématiques.
Julien Desforge est reçu en 1910 simultanément aux concours de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole normale supérieure dans laquelle il choisit de rester. Ces années lui permettent de suivre les cours d'Emile Borel, d'Henri Lebesgue et d'Emile Picard à la Sorbonne. Il est reçu à l'agrégation de mathématiques en 1914, au moment où la première Guerre mondiale éclate.
La vie de Julien Desforge, fils d'officier, est étroitement liée aux deux guerres mondiales qui jalonnent le 20ème siècle. A peine reçu à l'agrégation, il est mobilisé dans un bataillon de Chasseurs alpins en Alsace. Grièvement blessé, il retourne cependant au front après sa convalescence et se distingue dans de nombreuses actions militaires pour lesquelles il est décoré à plusieurs reprises. Le Seconde guerre mondiale ne le laisse pas pour autant tranquille puisqu'il est de nouveau mobilisé en 1939 puis fait prisonnier. Il est promu inspecteur général de l'Instruction publique pendant sa captivité et recouvre la liberté en 1941, date à laquelle il prend ses nouvelles fonctions. Julien Desforge s'occupe notamment du lien entre les universités de captivité qui se sont créées dans les camps de prisonniers et le ministère de l'instruction publique. Son action permet la reconnaissance officielle des études suivies dans ces universités et la validation, après la guerre, des diplômes qui y ont été préparés.
Julien Desforge est avant toute chose un professeur de classes préparatoires aux grandes écoles. Son premier poste est au lycée de Nantes où il a en charge la classe de spéciales. Il est muté à partir de 1925 à Paris au lycée Saint Louis où il exercera en mathématiques spéciales jusqu'à son intégration dans le corps de l'Inspection générale.
Il prend sa retraite en 1963 et décède à Bourg-la-Reine (Hauts de Seine) le 24 juillet 1984.
Sa contribution à l'enseignement
Julien Desforge est un professeur de mathématiques spéciales dont les qualités pédagogiques sont unanimement reconnues, à la fois par ses collègues et ses anciens élèves. Il s'intéresse donc naturellement tant à l'enseignement supérieur que secondaire. Sa mutation à Paris le rapproche des différentes institutions et sociétés scientifiques qui s'intéressent et influent sur le développement de l'enseignement des mathématiques. Il devient ainsi président de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (A.P.M.E.P.) en avril 1931 jusqu'en février 1932 puis obtient un nouveau mandat d'avril 1934 à mars 1937. La présidence de Julien Desforge s'inscrit dans un contexte de réformes importantes au niveau de l'enseignement secondaire français, suite au principe d'égalité scientifique mis en place dans les programmes par le ministère de l'instruction publique en 1925. l'A.P.M.E.P. s'est radicalement opposée à ce principe qui uniformise le contenu mathématique des programmes depuis le collège jusqu'au la classe de première. Pour les professeurs de mathématiques, l'égalité supposée est un prétexte qui vise à diminuer le nombre d'heures de sciences que la réforme de 1902 avait introduites dans les cycles d'enseignement secondaire. Les conséquences d'un abaissement général des connaissances scientifiques sont durement ressenties et dénoncées pendant de nombreuses années par l'ensemble de la communauté scientifique et par les présidents successifs de l'A.P.M.E.P. La parfaite connaissance des classes préparant aux grandes écoles scientifiques françaises place Julien Desforge comme l'un des principaux pourfendeur du principe d'égalité scientifique.
La présidence de l'A.P.M.E.P. de Julien Desforge lui permet par ailleurs d'appréhender les problèmes d'ordres mathématiques et pédagogiques qui traversent l'enseignement secondaire, comme par exemple l'uniformisation des notations et des définitions du vocabulaire mathématiques. Ce vaste chantier lancé au moment de la première guerre mondiale se poursuit jusque dans les années 1960. Julien Desforge est l'auteur de plusieurs rapports incitant les professeurs à utiliser une notation plutôt qu'une autre, une formulation d'une définition plutôt qu'une autre, montrant par là son intérêt pour les questions pédagogiques que sa nomination comme inspecteur général ne cessera de développer.
C'est également à partir de 1931 que Julien Desforge est présenté par MM. Turmel et Michel et devient membre de la Société mathématique de France (S.M.F.). Il en devient secrétaire en 1937 et reste membre du conseil de la S.M.F. jusqu'en 1942. C'est au sein de la S.M.F. qu'il côtoie des personnalités mathématiques de premier plan comme Maurice Fréchet, avec lesquelles il entretiendra continuellement d'étroites relations. N'étant ni chercheur ni universitaire, il se tient de la sorte au courant des développements des mathématiques contemporaines. Ses différentes responsabilités et son excellente connaissance des systèmes d'enseignement secondaire et supérieur français lui confèrent une stature nationale et internationale.
En 1932, Julien Desforge s'occupe de diffuser et recueillir les observations et réponses des professeurs de mathématiques à l'enquête lancée par la Commission internationale de l'enseignement mathématiques (C.I.E.M.) présidée à cette époque par D.E. Smith, concernant la préparation théorique et pratique dans les divers pays des professeurs de mathématiques. Cette enquête fait l'objet d'un rapport au Congrès international des mathématiciens de Zurich en septembre 1932. Les différents thèmes de la concertation portent sur la préparation des candidats au métier d'enseignant, l'enseignement scientifique théorique, la préparation didactique, pédagogique professionnelle ainsi que sur le perfectionnement ultérieur des professeurs en exercice, domaines dans lesquels l'expérience de Julien Desforge est reconnue. Le rapport de Julien Desforge est publié sous le nom de rapport sur la préparation théorique et pratique des professeurs de l'enseignement secondaire français, dans le volume n° 32 de l'Enseignement mathématique publié alors à Genève. L'engagement international de Julien Desforge notamment au sein de la C.I.E.M., se poursuit de nombreuses années puisqu'il est secrétaire de la C.I.E.M. de 1955 à 1958 sous la présidence de M. Behnke.
En 1936, Julien Desforge accède en France à d'importantes responsabilités. Il est élu au Conseil supérieur de l'instruction publique, instance sous l'autorité directe du Ministre français de l'Instruction. Il y siège comme représentant des professeurs agrégés de mathématiques en remplacement de M. Chenevier promu inspecteur général. Dans sa lettre de candidature, il expose les motifs de la volonté qu'il a à être élu :
Les graves problèmes qui se posent depuis plusieurs années dans le domaine de l'éducation nationale (formation et recrutement des professeurs, égalité scientifique, programmes, sélection des élèves, organisation de l'enseignement), sont particulièrement pressants.
(Bulletin de l'Association des professeurs de mathématiques n° 97, p. 61).
A partir de 1941, date à laquelle il est promu inspecteur général de l'éducation nationale, Julien Desforge n'aura de cesse de s'intéresser et de participer au développement de l'enseignement des mathématiques et à l'évolution des programmes qui vont se dérouler après la seconde guerre mondiale. Le sujet de la préparation des futurs professeurs continue à être l'une de ses préoccupations majeures. Il est président du jury du Certificat d'aptitude à l'enseignement dans les collèges (C.A.E.C.) qui devient par la suite le C.A.P.E.S. en 1951, concours de recrutement des professeurs de l'enseignement secondaire français. Il fait partie également du jury de l'agrégation féminine pendant plusieurs années. De plus, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les programmes et méthodes d'enseignement des mathématiques n'ont cessé d'évoluer. Julien Desforge contribue à la mise au point des instructions qui ont accompagné les programmes de 1946, aux instructions complémentaires de 1957 qui ont précédé les modifications des programmes de collège et lycée de 1960 à 1963. Il a également participé à la mise au point des programmes des classes préparatoires aux grandes écoles qui constituent une spécificité française et auxquelles Julien Desforge est resté durant toute sa carrière particulièrement attaché.
Bibliographie
J. DESFORGE 1933, Rapport sur la préparation théorique et pratique des professeurs de l'enseignement secondaire français, L'Enseignement mathématique, Genève
J. DESFORGE, R. ILIOVICI 1936, l'Oeuvre de M. Jacques Hadamard et l'enseignement secondaire, L'Enseignement scientifique, 9, 97-117
J. DESFORGE 1940, Géométrie, Paris, Hatier
J. DESFORGE 1950, Rapport sur l'agrégation de mathématiques agrégation féminine, session de 1950, Paris, Imprimerie nationale
A. FOUCHE 1952, La pédagogie des mathématiques, Paris, Presses universitaires de France, Préface de J. DESFORGE
G. ZADOU-NAÏSKY 1954, Les sciences physico-mathématiques dans l'enseignement, Paris, Presses universitaires de France, Préface de J. DESFORGE
Author
Eric Barbazo
Institut de Recherche sur l'Enseignement des Mathématiques
Université Bordeaux1
barbazo@wanadoo.fr